Guide touristique de l'aventure spatiale

Mercure : Son coeur de fer

Vénus : Son effet de serre

Jupiter : Son gigantisme

Saturne : Son exellence le Seigneur des anneaux

Mars : Son abécédaire

Uranus : Ses longues saisons, ses anneaux et ses lunes

Neptune : Ses vents

La Terre : Ses 2000 satellites

 

La Lune: à trois jours de vol

"Une magnifique désolation". Ainsi Buzz Aldrin décrivit-il son sentiment après avoir posé le pied dans la Mer de la Tranquillité, le 21 juillet 1969. Neil Armstrong, qui l'avait précédé de quelques dizaines de minutes, s'était plutôt intéressé à la nature du sol et à la gravité. Pouvait-on marcher sans s'enfoncer et maintenir son équilibre ? "La surface est recouverte d'une poussière très fine" indiqua l'astronaute américain aux millions de Terriens figés, en apnée, devant leur téléviseur ou leur poste de radio. "Je peux... je peux la déplacer assez bien du talon. Elle adhère en voile fin aux semelles de mes bottes, comme de la poussière de charbon. Je ne m'enfonce que d'une fraction de centimètre, peut-être huit millimètres mais je peux voir les empreintes de mes bottes, elles restent imprimées dans les minuscules grains de sable..." (...) Il semble qu'il n'y ait guère de difficulté pour bouger, contrairement à ce que nous avions pensé. Peut-être est-ce même plus facile qu'au cours des essais sur Terre, dans le simulateur. Non, il n'y a aucune difficulté pour marcher".

Le programme américain Apollo

Et l'équipage d'Apollo 11 marcha, sauta, expérimenta le saut du kangourou, se prit en photo, filma l'horizon, planta le drapeau américain, écouta au garde-vous le président des Etats-Unis prononcer un discours, ramassa 21,7 kg de roches, déploya quelques instruments et s'en revint sur Terre, à jamais marqué par un destin de héros, parfois difficile à assumer.

Dix autres astronautes foulèrent à leur tour la couche de régolithe qui recouvre le sol sélène. Charles Conrad et Alan L. Bean d'Apollo 12, explorèrent l'océan des Tempêtes en novembre 1969. Ils inspectèrent la sonde Surveyor 3 qui s'était posée là, deux ans et demi plus tôt, démontèrent quelques éléments et ramenèrent le premier touriste spatial, un microbe terrestre qui avait survécu à l'intérieur de la sonde qu'on avait négligé de stériliser.

En février 1971, Alan B. Shepard et Edgar D. Mitchell d'Apollo 14, poussèrent une brouette, le Lunar Rickshaw, dans Fra Mauro et cherchèrent, en vain, un minuscule cratère qu'ils devaient étudier. C'est là qu'aurait dû alunir l'équipage d'Apollo 13, hélas victime d'un accident. L'explosion d'un réservoir d'oxygène obligea en effet Jim Lovell, Jack Swigert et Fred Haise à contourner la Lune puis à revenir sur Terre, en survivant pendant d'interminables heures dans le module lunaire Aquarius qui n'avait été conçu ni pour jouer les canots de sauvetage ni pour y jouer au Poker Texas Hold'em.

En juillet 1971, David R. Scott et James B. Irwin, d'Apollo 15 expérimentèrent une jeep lunaire au pied des monts Apennins, dans un paysage grandiose, et descendirent au fond du sillon Hadley, un canyon creusé par un fleuve de lave. En avril 1972, l'équipage d'Apollo 16, John W. Young et Charles M. Duke effectua trois longues sorties dans la région du Mont Descartes, parcourant 27 km avec des pointes de 13 km/h, s'amusant comme des gamins, riant et en chantant à tue-tête. Ils avaient tort. Le glas des expéditions lunaires avait sonné.

La conquête de la Lune, née de la guerre froide entre les Etats-Unis et l'Union soviétique, n'avait plus de raison d'être, dès lors qu'elle avait été gagnée par l'un des protagonistes. A quoi bon continuer à envoyer des astronautes ramasser, au péril de leur vie et à grands frais pour le contribuable, d'autres échantillons extraterrestres. Quelques ténors du Congrès américain firent remarquer que 25 milliards de dollars avaient été dépensés pour le grattage de 386 kg d'échantillons, ce qui faisait tout de même un peu cher du gramme. La suite du programme fut annulé pour cause de restrictions budgétaires et la fusée Saturne 5, monstrueux lanceur de 111 mètres de haut sans lequel la conquête de la Lune aurait été impossible, fut abandonnée.

En décembre 1972, Eugene A. Cernan et le géologue Harrisson H. Schmitt, qui venaient de passer trois jours à échantillonner Littrow-Taurus, refermèrent à regret la porte du LEM d'Apollo 17, après avoir demandé à Houston de rester une journée supplémentaire. Mais la Nasa se montra inflexible et ordonna aux derniers explorateurs, épuisés, de regagner leur base. Ce qu'ils firent, dans une indifférence quasi générale. Ils survolèrent encore une fois la face cachée, songeant peut-être à ce qu'en avait dit James Lovell et Franck Borman, les premiers hommes à la contempler, le 24 décembre 1968 : "Cette immensité désolée est lugubre et, à la voir, on se rend mieux compte de la chance que nous avons sur Terre".

Le programme soviétique Luna

Les Soviétiques, de leur côté, ne parvenaient pas à mettre au point leur fusée NI-L3 pour placer des hommes sur une trajectoire translunaire. A chaque essai de lancement, elle explosait. Qui plus est, les responsables russes se dispersaient dans d'obscures querelles de personnes et menaient de front deux coûteux programmes lunaires. Finalement, après le débarquement américain sur la Lune, ils renoncèrent aux vols habités et menèrent un programme d'exploration robotique, à côté duquel l'actuel programme martien de retour d'échantillons fait pâle figure. Trois sondes soviétiques réussirent à prélever des échantillons et à les ramener sur Terre. Deux autres missions permirent de faire rouler des robots équipés de chenilles.

Luna 16, lancée par une fusée Proton, se posa le 20 septembre 1970 dans la Mer de la Fécondité. Elle préleva à 25 cm de profondeur, 105 g d'échantillons, ramenés quatre jours plus tard sur Terre. Luna 20, revint le 25 février 1972, avec 55 g de sol lunaire, prélevés dans la région d'Apollonius. Enfin, Luna 24 réussit à forer jusqu'à 2 m de profondeur dans la Mer des Crises et rapporta 170 g d'échantillons.

Mais les plus belles missions automatiques lunaires furent incontestablement Luna 17 et Luna 21, qui expédièrent sur notre satellite, deux robots mobiles de 750 kg . Lunokhod 1 se posa dans la Mer des Pluies et parcouru, entre novembre 1970 et janvier 1971, un peu plus de 10 km. Il pris 20 000 photos dont 200 panoramas et il analysa le sol à 500 endroits différents. Lunokhod 2, lancé le 8 janvier 1973, effectua un trajet de 37 km à l'est de la Mer de la Sérénité, enregistra 80 000 clichés, dont 86 panoramas, et mena de nombreuses expériences au sol. Ces deux missions automatiques furent des succès complets dont on entendit peu parler.

Le coeur n'y était plus. A partir de 1976, les agences spatiales cessèrent complètement de s'intéresser à la Lune. Quinze ans s'écoulèrent avant qu'une sonde, japonaise, ne survole à nouveau ses plaines volcaniques, ses reliefs érodés et ses innombrables cratères.

Un astre toujours mystérieux

Notre satellite, si proche, si familier, qui a donc été scruté par un nombre impressionnant de sondes, exploré à pied et en voiture par douze Américains et arpenté par deux mini-chars à chenillettes, ne devrait plus avoir de mystères pour nous. Erreur. La Lune reste méconnue. Car les 23 Luna, les 5 Zond soviétiques, les 7 Ranger, les 5 Lunar Orbiter, les 7 Surveyor et les 3 Explorer, n'ont eu qu'un seul objectif : préparer des alunissages humains dans des régions, plates et ensoleillées, faciles d'accès et de communication. Ainsi, seuls des terrains équatoriaux ont-ils été échantillonnés.

Ces échantillons nous ont pourtant appris beaucoup de choses. Ils ont permis, par exemple, de mettre au point de nouvelles méthodologies en géochimie isotopique et en géothechnique. Ils ont apporté de nombreuses informations sur la formation de la Lune, et sur ses potentiels minéralogiques. La Lune est une vraie mine de titane (ses basaltes en contiennent jusqu'à 7 % contre 1,5% en moyenne dans les basaltes terrestres). Autre élément abondant, l'hélium 3 (3He) qui permettrait de développer une énergie nucléaire propre reposant sur la fusion de l'atome et non sa fission.

La composition interne de la Lune, sa formation, sa géologie, la présence ou non d'eau au fond des cratères polaires, la possibilité d'y trouver des gisements exploitables de titane et d'hélium 3, ou encore l'implantation de télescopes sur la face cachée, constituent autant d'objectifs scientifiques passionnants. Mais la Lune, qui n'est qu'à trois petits jours de vol, intéresse moins que la lointaine Mars. Juste retour des choses, puisque l'exploration de la planète rouge a longtemps souffert de la primauté du programme lunaire.

Aujourd'hui, seuls quelques projets de faible envergure, sont en cours de réalisation, en Europe, au Japon, en Chine et dans plusieurs sociétés privées américaines.

Le Pic de la lumière éternelle

Si on lançait à nouveau des astronautes vers la Lune, c'est au pôle Sud qu'il faudrait les expédier. Les données recueillies par la sonde Clémentine en 1994 et par la sonde Lunar Prospector en 1999, montrent en effet que l'endroit idéal pour prospecter serait le cratère de Shackleton. Large de 20 km, profond de 3 km, son sol contient probablement de la glace d'eau. Tout à côté, se trouve un emplacement presque toujours ensoleillé, ce qui permettrait d'alimenter en permanence des panneaux solaires. C'est à cet endroit, joliment dénommé " Le Pic de la lumière éternelle", que l'Agence spatiale européenne (ESA) comptait faire alunir sa sonde Euromoon en 2001. Mais, faute de crédits, le projet a été abandonné en 1998.

Les projets lunaires ont refleuri à l'initiative de la Société des explorateurs lunaires (Lunex). Cette association, fondée en juillet 2000, regroupe environ 200 membres et développe un programme d'exploration. La première étape sera la mise en orbite de la sonde européenne Smart-1 avec une charge scientifique de 15 kg. Seront notamment étudiées la minéralogie et la composition de la surface lunaire, grâce à une caméra haute résolution et à deux spectromètres. Devrait ensuite intervenir le lancement, par une Ariane 5, du satellite lunaire LunarSat. A l'origine il devait cartographier la région polaire où devait alunir Euromoon. Sa mission, redéfinie par un groupe d'étudiants européens, consistera à se placer en orbite autour de la Lune et à réaliser quelques expériences scientifiques.

Le programme proposé par la Lunex s'inscrit dans une vision à long terme. Il envisage l'implantation d'infrastructures robotisées, puis la mise en orbite d'un laboratoire habité et enfin, la création de villages. Installés vers 2040, ils s'étendraient progressivement jusqu'à devenir des villes en 2060 qui seraient regroupées en une colonie autonome dans la décennie 2070. Tout ceci aurait pour objectif de préparer l'homme à une exploration durable et approfondie de Mars.